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le problème avec le problème (qui fait suite au texte sur le théâtre, daté du 17/6/2008 sur ce site)

Le problème avec le problème, c’est qu’il faut en faire le tour, comment faire le tour d’un problème avec un petit quelque chose à se mettre sur la langue, un tout petit habit de problématiques tout décousu, une boîte à problèmes où il manquerait les principaux outils. Il faut charger la boîte à problèmes. Et pour charger la boîte il faut aller plus avant dans la connaissance de soi. Le problème du texte sur le théâtre, c’est qu’il est plutôt moqueur mais ne va pas très loin dans le problème véritable du théâtre avec nous-mêmes. Le théâtre est problématique mais ce n’est pas important, ce qui est important c’est de constater sa propre fragilité face à ce monument de la représentation. Le théâtre est le signe d’une fatigue, d’un moment d’égarement, d’une défaite face à ce qui parfois nous travaille de fond en comble ; le théâtre n’est pas l’urgence à dire, mais un dire continué, une parole pour dire une parole face au silence, un livre à faire alors que c’est un livre pour rien. Combien font des livres pour rien, dans l’idée de continuer, ceux-là font du théâtre. La tentation du théâtre c’est le repos du guerrier, après avoir secoué la planète des signes l’auteur peut jouer à représenter ses formes. Le public, de plus en plus nombreux, ne demande que ça. Le théâtre est, pour nous, tout ce qui est un lâché prise, une perte d’autonomie, un déambulateur pour la pensée. Ce n’est donc pas le théâtre en tant que théâtre, si le théâtre est réellement ce qu’il est : une sommation à vivre, à rester vigilant. Mais le problème est que le théâtre est trop rarement ça. Déjà parce que le théâtre a été remplacé par la télévision, le cinéma, la vidéo, en tout cas le théâtre s’est fait envahir pour le bien de la représentation par toutes ces formes. Il est allé cherché dans toutes les formes d’art une part de son spectacle théâtral, tout au moins quelque chose qui annulerait ses murs, ses rideaux, son plateau, qui le rendrait moins théâtre. Il est allé prendre à la vidéo, au son, à la musique. Il est allé chercher dans l’art action pour se donner un peu de vie. Il s’est illustré par son pillage dans le cinéma. Il n’a que de la haine pour la télévision - mais elle lui a bien rendu et c’est même elle qui lui a donné un coup de grâce. Aujourd’hui, le théâtre pense d’ailleurs prendre sa revanche, car il s’imagine que la télévision n’est plus, alors qu’elle n’a jamais été autant là, vu qu’elle a vite pigé, elle, l’intérêt d’être « représentée » par internet. Le théâtre n’est pas sur internet, trop fatigant à force de piquer à untel ou untel. À un moment il faut payer : le théâtre est devenu la pute de tous les modes les plus vulgaires de la représentation. Bien sûr, ce n’est pas tout le théâtre, il y a des chapelles qui résistent, car il y a encore des stars à honorer, des grands de ce monde qui aiment défiler près des pièces où on parle dans le texte original, il y a encore un petit monde bourgeois qui aime se déplacer dans certains lieux pour y voir des metteurs en scènes prestigieux délivrer leur message de plus de trois heures sur une planche de théâtre. Il suffit d’aller à Avignon pour constater le désastre actuel du théâtre. <depuis longtemps, Le théâtre s’est fait l’aspirateur de toutes les formes de créations et de contestations et il s’est employé magnifiquement à détruire toute parole vraie. Gherasim Luca en a par exemple fait les frais, comme Christophe Tarkos qui sera bientôt joué par tous, c’est-à-dire que son poème sera amoindri, que la force de ses textes sera rendue caduque très prochainement par le théâtre. Bien sûr des choses sérieuses sont faites autour de ces auteurs mais ça reste toujours confidentiel, ce sont des accidents car de toute façon les programmateurs pensent que c’est formidable mais que ce n’est pas pour leur public. C’est là toute la faiblesse du théâtre : s’imaginer drainer autant de monde qu’une soirée télévisuelle autour de Questions pour un champion. Comme les programmateurs savent qu’ils n’atteindront jamais les scores de Koh-Lanta, ils veulent soigner leur public comme des poupées de porcelaine, alors que l’on sait aujourd’hui que tout est public, que tout appelle à recevoir du monde car il y a une recrudescence de l’art de rue, des spectacles en plein air, une bulle pour les balades dans les campagnes avec à la clé une petite lecture, un petit tour de magie ou un petit moment musical. Il y a une profusion de propositions qui quittent justement ces lieux où l’on pense que le public aime ceci ou cela. Dans cette anarchie de projets culturels, il y a parfois des choses qui se glissent sans que cela ne choque ceux qui les programment, qui ne passeraient jamais dans aucun théâtre subventionné et national. Mais après tout, qu’est-ce que cela peut nous faire que le théâtre s’écroule ainsi ? c’est qu’il ne s’écroule pas seul, il entraîne avec lui tout un monde, tout un pays ; par sa détestation de l’inculture il fabrique la haine pour l’art. Il n’y a pas de meilleurs fabriquant de haine que ceux qui s’estiment, plus qu’ils ne se trouvent être, le dernier rempart du vrai labeur à l’ancienne, du beau parler, du pur jeu, du vrai théâtre. Ce n’est pas le Off qui fait du mal au théâtre, c’est le In, c’est tout ce qui est In dans un monde complètement Out. C’est du même mal que souffre l’art contemporain car dans l’art contemporain, même ceux qui jouent les trublions, les performers trashs et anars, les punks de vernissages, tiennent à fond à ce monde, même dans ses représentions les plus laides qui accompagnent le monde le plus dégueulasse et capitaliste. Ils sont prêts à toutes les guerres pour sauvegarder leur aura, leur galerie, leurs belles âmes et leur démocratie. Ils n’ont que mépris pour le petit monde coincé entre la télévision et facebook et qui baigne dans le bain noir de son ignorance, ces sales bobines franchouillardes qu’affolés nous apercevons parfois sur les écrans du monde et qui représentent l’horreur pur de ce monde, sa bêtise la plus crasse, la bête en quelque sorte. La bête à manger du foin télévisuel et à penser comme il vomit. Pour le monde de l’art et du théâtre distingué, le spectateur (ou « les gens ») est un sympathisant FN. Ni plus ni moins. Bien sûr, certains vont nous dire que le théâtre est le dernier rempart de la résistance face à un Etat de plus en plus agressif contre la culture. Il y a dix ans, il dénonçait déjà une droite décomplexée ; maintenant il annonce des grèves, prétendant bloquer des villes voire un pays par un blocage culturel - le blocage culturel par une « asphyxiante culture » comme disait Dubuffet, il y a de quoi rigoler ! - qu’il pourrait pratiquer si la précarité de ses acteurs, comédiens et techniciens, n’est plus supportable. Mais jusqu’à présent, malgré les textes de loi de plus en plus répressifs, malgré une actualité politique de plus en plus sinistre, on ne peut que constater que tout cela est toujours fort supportable. Ces grandes âmes ont même annoncé, ici et là, dans la danse, le théâtre et ailleurs, qu’ils pourraient quitter telle ville, voir tel pays, si leurs crédits de l’an passé n’étaient pas reconduits. En fait, c’est juste une histoire de crédit qu’on leur accorde ou pas. Et ce crédit là, il ne l’attendent pas des spectateurs mais des politiques, ils font donc le jeu continuel de l’Etat, ce sont des gardiens de l’ordre au final et non des sympathisants de la lutte qui peut s’engager pour une vie plus libre, plus artistique, plus jouissive, plus amoureuse, plus rigolote. Une vie qui accepte l’autre, n’importe quel autre de n’importe quelle langue, qui vient échanger avec celui qui s’engage socialement avec la trouille au ventre dans la partie artistique, dans une partie de bras de fer avec eux-mêmes et non avec des responsables politiques locaux pour la sauvegarde de ce qu’on peut appeler le spectacle mort-vivant.

La critique, que ce soit sur le théâtre ou la vie, que ce soit la critique de la poésie ou de la politique, en France, est cependant complètement nulle. A lire le Comité invisible, la poésie la plus avancée au 19ème siècle a toujours accompagné les mouvements de réactions. il est étonnant à ce titre que les grands critiques de la poésie française n’aient pas su lire cela dans l’Insurrection qui vient, tout comme il ont sans doute zappé le moment où, dans A nos amis, ceux-ci disent qu’ils auraient pu écrire un poème ou une chanson plutôt que de nous infliger leur pesante diatribe. Il est surprenant de voir à quelle point la critique a oublié sa fonction même, qui est que la critique est un amour du sujet critiqué. Il n’y a pas de critique sans un réel et profond amour (ou une profonde haine, mais commentée, vécue, obsédante) pour la chose sur laquelle on consacre nos plus grands griefs. La méconnaissance de l’art par le Comité Invisible nous force à les prendre pour des plaisantins seulement capables de se disputer avec les Charlie et autres charlots de la culture. Ça n’est pas sérieux. La critique doit être vue au rang d’un Walter Benjamin, d’un Nietzsche, d’un Kant, d’un Rimbaud, d’un Mao, ou plus près de nous d’un Bernard Heidsieck, d’un Robert Filliou, d’un Gilles Deleuze, d’un Jacques Lacan, d’un François Tanguy ou d’un Jean-Luc Godard. Elle doit aussi pour cela changer sa langue, évoquer les vieux styles, les aimer, les (re)prendre à rebrousse-poil. Elle doit manger la langue de l’autre et ne pas manger dans sa main, comme le fait Tiqqun avec Guy Debord. Guy Debord avait plus de vingt ans de faits d’armes dans la littérature, l’art et le cinéma avant de s’attaquer au spectacle et dénoncer son pourrissement dans la société des années septante. On oublie trop Gil J. Wolman quand on se fait critique de la société aujourd’hui, on oublie trop les forces obscures de l’art, de la poésie, de l’action par la cré-action, et c’est là le drame. La critique poétique qui peut se lire sur les sites accrédités fait sa petite vaisselle, son petit ménage, a ses petits laboratoires sans expérimentateurs, chacun peut y aller de sa petite réflexion sur le temps qui passe. Par exemple, on y défonce la gueule d’un Jean-Luc Godard sans une vraie connaissance de son cinéma et de ce qui l’a travaillé durant plus de trente ans (et puis quoi encore ? manquerait plus qu’on se fatigue !) ; on y pense vite fait des livres qui sortent, comme dans Télérama. Le journal de la télévision pour le petit rayon poétique, c’est direct sur internet et tout le monde va y puiser les dernières paroles. Il faut dire que les livres se flattent entre eux. Ce n’est pas que la poésie ne soit pas lue le problème, ça n’a jamais été un problème. Bien des festivals l’ont prouvé : l’important n’est pas qu’il y ait un lecteur qui vienne s’asseoir dans telle médiathèque du Val de Marne ou au Centre International de Poésie à Marseille, l’important est qu’il y ait une somme considérable d’anthologies et de catalogues qui sortent chaque année par lesquels on aura prouvé que l’argent a servi à faire rayonner la poésie du monde entier en France. C’est comme dans les casernes quand à l’époque il fallait brûler le gasoil avant la fin de l’année administrative, de peur qu’on ne renouvelle pas les stocks de l’année précédente. Les institutions de l’art, de la poésie, de la danse, de la musique ou du théâtre fonctionnent comme ça en France. Et lorsque les festivals sont menacés, on se sent un peu merdeux à signer les pétitions alors que ces mêmes festivals ont invités un tas d’artistes du dimanche, une palette de poètes arabes opposés aux révolutions, puisque faisant partie de castes proches du pouvoir (nous avons dû ainsi nous coltiner, à Sète ou à Lodève, les petits poèmes aux métaphores d’un enfant de dix ans, de membres de gouvernements Libyens, de poètes égyptiens ou … se prétendant « au-dessus du peuple » et de son Printemps. Ces institutionnels qui gueulent contre les fermetures des festivals alors qu’ils ne savent même pas ce qui se passe réellement dans la création de toute sorte en dehors de la France. Mais il faut signer la pétition, tout comme lorsque des écrivains qui pointent tous les ans aux prix Goncourt ou Renaudot dénoncent un de leur collègue parce qu’il est passé à droite, voire à la droite de la droite. Ces même gens de la culture qui vous dénoncent quand vous déclarez que vous n’irez pas voter pour l’Europe. L’art français chie dans son froc.

Et pas seulement pour ces raisons, l’art français n’a plus du tout la côte : un artiste français de trente-cinq ans qui ne pèse pas plusieurs centaines de milliers d’euros peut aujourd’hui aller repeindre la girafe dans sa cambrousse. Mais ça s’accroche dur quand même, c’est comme le lierre les artistes de l’art, ça y croit dur comme fer à ce qui est encore possible, tant qu’on nous prête nos paysages, tant qu’on peut voyager (les artistes sont intarissables sur leurs voyages dans le monde, maintenant ce sont des français ou des belges total décomplexés, ils connaissent tout des petits endroits dépaysants et de leur gastronomie sans pareil), tant qu’on peut aussi avoir les dernières infos sur le monde, comme on a l’eau courante, tant qu’on peut voter, tant qu’on peut s’exprimer ou critiquer un brin, tant que le pouvoir nous prête vie en quelque sorte, accrochons-nous croûte que croûte, nous les artistes rock’n’roll et, pourquoi pas, déclarons la guerre derrière les socialistes aux barbus de Daech qui n’aiment ni l’art, ni les femmes et pas tous les livres, déclarons la guerre aux arriérés de nos pays, aux femmes voilées, à la crasse qui envahit l’Europe, tant pis pour les migrants, tant pis pour les Rroms, tant pis pour les africains, tant pis pour le renseignement, tant pis pour la liberté, tant pis pour nos singularités, tant pis pour notre langue et tant pis pour nos vies. Le pouvoir s’est installé parmi les amis. C’est peut-être de cela dont parle le Comité invisible, de l’amitié, il critique l’ami car l’ami est une somme possible de pouvoir. Ce n’est pas forcément le CRS qui a le pouvoir, c’est aussi l’écolo qui nous fait sa morale, le bio qui nous fait boire sa bière éthique, tous ces connards qui nous entourent et nous disent que penser c’est d’abord un savoir-vivre. Y a-t-il des festivals aujourd’hui, même chez les punks, où ça se termine en coups de boule ? les lectures de poésie ne se terminent jamais en festival de coups de boule et c’est bien dommage. L’armée noire réclame son festival du coup de tête. Les rires méchants et le bruit des machines, la danse au-dessus d’un caddie en flamme, le lancer de canettes et la destruction du bar éthique à la barre à mine, le lancer d’œufs pourris : voilà tout le programme de notre poésie.

Je suis pas là

la télé nous fait vivre

La télé est bien regardée, la télé est un espace bien surveillé, rien n’échappe au regard, c’est-à-dire à sa surveillance, c’est le regard de la télé qui se regarde, la télé regarde à l’intérieur de nous et elle se voit, elle voit la télé qu’on la regarde depuis le tréfonds du nous, c’est un nous tout télé qui regarde dans les yeux télévisuels, pas de danger qu’on en loupe une miette, même si on n’a pas la télé on a toutes les chaînes, même si on n’a pas la télé on a les nerfs comme des câbles, car tout est consigné et le regard hors de la télé est confisqué, à la consigne, toutes les images de la télé défilent car les visages-télé et les paroles-télé sont repris en cœur dans le tréfonds du nous télévisuel. La télé résonne dans nos têtes, la télé est l’écho de nos pensées, nos pensées-télé, la télé fait parler toutes les machines, les téléphones, la télé fait parler internet, la télé a une belle écriture, la télé fait parler la parole, la télé fait avancer la vie, car la vie c’est la vietélé. Et c’est une vérité, car la télé est une réalité à vivre, vu qu’elle est dans le vrai. Le vrai télévisuel, c’est la véritélé qui fabrique du silence tout autour d’elle et tout le monde reprend en boucle le message véritélé dans sa bouche télé-réelle et son vivant zappé par la télé-réalité.

ne plus se laisser aller à prendre des décisions

je glisse
je glisse sur le côté
je me remets
je suis à la même hauteur
je disparais
je reviens
je glisse à nouveau
je descends vite
puis je remonte plus haut
j'espère rester longtemps
ça veut dire quoi espérer
qu'est-ce qu'on met dans espérer
c'est qu'on met une grosse couche
entre soi et la fin
on tire un fil
on espère que le fil
sera long
qu'on n'en voit pas le bout
trop vite
espérons que si je tire le fil
il ne se casse pas non plus
je vais tirer fort sur le fil
de toute mes forces
je m'agrippe
je tire pour voir le bout
j'espère rester en équilibre
pour voir le bout
je suis à un certain point
du bout
je gagne un point
et je vais au bout
et j'espère voir l'autre
l'autre bout et moi
c'est toute une histoire
l'autre bout et moi
c'est toute une vie fabriquée
avec des bouts de chandelles
comme on dit
mais ce ne sont pas des bouts de chandelles
c'est des bouts de moi à parcourir
et on gagne parfois des points

*l'auteur n'est pas mis au jus de ce qui se trame.

*la poésie ça n'est pas prêcher dans le désert c'est longer une 4 voies et tenter tout de même de parler aux bolides.

*chacune des paroles de chaque être est une mauvaise herbe.

*tout à coup le mot a changé, il n'a plus le même sens et on ne vous a pas prévenu.

*la plus grande des perversions c'est de s'adresser à l'autre.

*aucun de nos mots ne tiendra la route.

*il fait tout noir et on comprend rien.

*ne plus se laisser aller à prendre des décisions.

pour un complotement total et permanent

Ce sont les combinaisons qui complotent, ce sont les faits mille fois recoupés, les faits sans cesse élagués pour mieux les simplifier, la machination des désirs qui n’arrête pas de retraficoter le réel et que celui-ci, enfin dépouillé de ses ombres finisse par monter en épingle, ce sont les mouvements électriques et numériques des pensées les plus plates avec les voix automatisées dans les perpétuels micros, les images toujours montées et démontées vitesses grand v, comme des armes à feu, ce sont tous ces flux sectionnés et racornis remis bout à bout et que ces manipulations, ces compositions machiniques habituels, finissent par faire exploser le cadre, que la mayonnaise monte et que l’actuel tourne au vinaigre, ce sont toutes ces opérations de bidouillages incessants sur la réalité pour la rendre la moins plurielle possible et la faire ainsi glisser dans des goulots de plus en plus étroits, ce sont tous les aboiements mortifères en écho sur des grosses chaînes câblées, des moteurs sans chercheurs avec diverses routines écrites avec les pieds pour que passe en boucle un réel tronqué, ce sont toutes ces pelleteuses d’émotions, les broyeuses d’idées noires, ce sont les expertises robotisées sur des signes insignifiants, le retraitement de l’oubli et la systématisation des vérités, la science et l’histoire qu’on fait tourner en eau de boudin et les avis éclairés stagner dans des sempiternels bassins de décantation, tout ça constamment repassé dans ces vieux tuyaux où coule avec régularité un même bruit, c’est toujours les tableaux infinis de permanences, les trois/huit dans la simplification du vivant qui finit par créer la peur extime de chacun, qui n’est d’ailleurs plus un chacun, mais un être évidé, un individu dévalué dans ses mots, dépossédé de ses errements, ses flottements, ses silences ou ses embryons de pensées, c’est tout ce sinistre sérieux passé au crible, mais un crible bon marché, c’est tous ces mouchoirs sales où s’abandonnent les pseudos analyses et s’alimente l’indignation, ce sont tous ces générateurs de bonne conscience couplés à des pools de recherche sans brouillon formatés en usine, ces fédérations de machines à écrire sans dactylos puis de compilateurs de données où ça torche un même journal à tous les quotidiens, c’est tout ce monde systémique puissamment armé de développeurs incultes, ce sont toutes ces parades qui se défilent, ces défilés dans la dérobade, les manœuvres laborieuses de tous les bruits de couloirs, grincements de portes et chuintements d’ascenseurs, la conspiration de divers appareils, machines à café et à jacter, imprimantes et crachoirs, outils à spéculer et potins en streaming, tous ces spams traduits en discours, cette chaîne de montage de bourrichons, ces fuitages décervellés et bombing de sermonts, toute cette soupe virtuelle et les protocoles d’inaction qui font que ça monte en flute, ça cogne l’opercule et que ça s’excite dans des tubes, puis qu’une mousse fleurisse enfin sur les bords d’une grosse cocotte minute, que ça flippe et ça crie, que ça file et se tend, qu’on entende ainsi des balles siffler, des pneus crisser, que ça explose et meurt et fasse un trou, un petit trou qu’on rebouche un peu vite avec ce même gratin marronnasse, cette colle granuleuse, mais que les trous s’ouvrent encore et que les bords s’abouchent, que tous les trous finissent par se toucher, qu’il n’y ait plus que ça à enduire, ces bords de trou qui sont un peu nous, que ça soit nous malgré tout et que ça nous déborde encore, mais qu’on ne soit plus que ce débord là d’un trou, celui d’où qu’on boute en touche.

l'humain conspire l'ennui

et l'ennui ne fait pas toujours transpirer

l'humain est le pire de lui

ou presque

il est lui dans sa version

débordée

c'est à cet endroit là que ça fuit

dans ses extensions

qui viennent lui capter ce vide

mais lui capte rien, il capte

pas que c'est là

où il prit la tengeante que ça cause

et débite et complote

après : soit on capitule, soit

on récapitule.