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foutu pour foutu

 

c’est foutu. on n’a plus rien à dire. on est foutu pour la causette. ou bien c’est de la parole. on nous aurait causé de cela. qui on. qui c’est ce on qui s’est foutu en travers de nous. c’est-à-dire de la gorge. à moins que ça soit une route. ils passaient tous par là. ça n’en finissait plus. les on. ça causait ça causait. un vrai chahut bahut. je sais pas si on dit ça. ils nous l’ont répété tant bien que mal pourtant. tiens-toi bien à table. à la table des négociations. ou plutôt dans tes mots. négocie bien les virages. tiens bien le verbe haut. c’est ça qu’ils nous serinent tout le temps sur cette route. et il faisait beau ce jour-là. c’était une route ensoleillée. on pouvait s’y promener. on voyait les gens sortir. ils s’amusent comme ils peuvent. ils balancent leurs querelles à l’envie. un des passants dit qu’il va au bureau de vote. un autre le suit. ils sont tous à s’y fourrer. tout le monde au bureau de vote aujourd’hui. ça m’a jamais excité moi l’ambiance des bureaux de vote. pourquoi aller voter. pourquoi pas y aller. tiens et si on y allait. on pourrait avoir une idée. dans l’isoloir. pas d’isoloir qui compte. je tiens la route. et elle est encombrée. pourquoi ils nous encombrent avec leurs idées. pourquoi ils nous foutent pas la paix. retournez vivre dans vos caves qu’ils disent. ou c’est dans des grottes. allez repeindre la girafe qu’ils nous répètent. tout ça c’est des boniments. ils ont assez causé. et beaucoup causé de mal en plus. plus ils causaient mal et plus ça en causait sur les bords. tout le monde fut éclaboussé. pas moi. moi j’ai maintenu le chemin. c’est-à-dire j’ai creusé en plein milieu. je suis sorti des comptes. je n’étais même plus comptabilisé. seulement ça ne servait à rien. ne pas être sur la liste. ça la fout mal. faut repartir à zéro. reprendre le baluchon et y aller. s’investir. sinon comme je dis c’est cuit. on nous passe plus rien. faut jouer à l’écouteur public. faut faire marcher les gamelles. et elles sont nombreuses. combien de gens qui causent ici. en plus d’ailleurs. déjà ailleurs ça doit causer aussi. un brin aussi ça cause ailleurs. mais on sait pas où. ici on ne s’occupe que de cette route. une grande trajectoire. une autoroute. mais elle est trop fréquentée. allez trouver votre chemin là-dedans. c’est comme une aiguille dans une botte de foin. tout le monde mange ce foin-là et y prend goût. c’est comme une passion. un violon d’ingres. c’est comme la politique. à part le foot la politique intéresse tout le monde. c’est-à-dire une sorte de parler qui convient avec des mystères qu’y nous faut. il en faut pas plus. si le mystère s’épaissit il n’y a plus grand monde. tout le monde a un truc à faire. même les grandes inventions il a fallu les trafiquer. même les plus grandes idées. les plus grands projets humain il a fallu les soustraire à l’opinion pour que ça devienne un galimatias pour la langue de chacun. c’est-à-dire la langue de tout le monde. que monsieur chacun-tout-le-monde se retrouve dans la langue de personne. même les plus grandes découvertes il a fallu les débiliser un bon coup. car sinon ça ne tenait pas dix ans. on croit toujours que c’est l’inverse qui se produit. alors que tout est fait pour diluer le moindre propos dans la plus sinistre des farces. et tout le monde marche dedans. ça porte bonheur croit-on. en tout cas on ne sait pas encore vraiment à quel moment ça s’éteint. ça s’éteinT quand dans la tête à chacun une idée. une simple idée sorti d’une cervelle plutôt bien faite. comment ça tombe dans l’oubli à tout le monde. à quelle vitesse et à quel rythme. avec quelle intensité la tombée dans la déconnade globale. combien coûte la chute d’une pensée. on se le demande jamais. combien ça coûte pour l’humanité. le mot est tombé au bon endroit. rien que ça. il est bien tombé dans la tête à quelqu’un de parler d’humanité à un moment pareil. et ça nous tombe de où tout ça. dans quel endroit la chute définitive du concept. ça tomberait dans quel trou et pourquoi faire. pourquoi ne pas rester au bord. pourquoi ne pas repartir du bord. sous un œil neuf. un œil ou un nerf. c’est un air neuf qui nous fait repartir. mais la chute sera peut-être encore plus grande. plus intense la prochaine fois. le prochain renouveau. le changement comme ils disent. le renouvellement complet cette fois-ci. c’est annoncé partout. il est temps de tout revoir à zéro à l’aube de demain. la continuation ou la révolution. à vous de choisir. à quel moment tourner cette page. cette lourde page. à moins de laisser tout ça tomber une bonne fois. mais le trou ne voudra pas de nous. hors du trou point de salut. et pourtant on ne peut que rebondire à sa surface. car à l’intérieur c’est le néant. mais pour accéder au néant il faut vouloir exister. et plus on s’approche de sa propre fin et plus on veut exister. plus ça nous démange. la révolution est proche. demain n’a jamais autant été un presque aujourd’hui. on le dit même gravement. le renouveau c’est déjà aujourd’hui. et demain c’est déjà trop tard. à quelle vitesse la chute d’un corps. avec quelle énergie tout ça est propulsé. ça n’est pas qu’un corps qui fuit sa présence. c’est tous les corps ensemble. ou plutôt différends ensembles de corps. comme des pensées. à quelle vitesse ça tombe. à quel rythme la pensée. à quel moment ça se fissure. à quel degré ça pète. et que ça finisse par s’écraser en lambeau dans la tête des autres. et comment faire évoluer tout ce ramassis après. on ne le sait pas ça. quand après ça refroidit. car toute idée finit par refroidir. au tout départ on nous dit que ce fut plutôt chaud. ça chauffait bien au tout début. on l’a échappé belle nous disent les penseurs. puis après cette croûte se durcit. un bon temps à se geler ainsi dans tout un peuple. jusqu’à l’explosion. allez comprendre pourquoi. jusqu’à l’effondrement total. mais tout effondrement ne conduit nullement au néant. le néant on ne sait pas par où ça sort. on sait que ça disparaît mais pour aller où. en tout ça dès que ça tend à battre de l’aile et à s’effondrer les choses commencent seulement. c’est là que la vie nous apparaît. un nouvel élan qui fuse. à quelle vitesse de propulsion ça gicle. certains avancent des chiffres qu’il faudra convertir dans sa propre tête. tout ça finit par nous dépasser. dans un espace plus petit qu’une cervelle une pensée s’illumine. une intensité un million de milliards de fois plus présente que dans tous les autres cerveaux réunis. on peut alors considérer qu’il s’agit du noyau de l’existence. c’est là où ça devrait se tramer pendant un bon paquet de minutes. et c’est pas des minutes-lumière. avant que ça ne se déplace. que la vitesse de la chute et que la température ne se stabilisent. que ça nous gèle sur place. et qu’on soit proche d’un ordre calme et neuf. c’est-à-dire loin des crises et proche de la mort. juste avant que ça n’accélère encore un bon coup. à l’horizon des emmerdes. 

 

trop

MANIFESTE POUR QU’ON NOUS FOUTE LA PAIX

 

Je trouve que vous êtes trop. Trop beaux. Trop dans le faire. Et dans le faire beau. Trop dans le savoir. Vous êtes trop dépositaires. Vous allongez trop. Vous aimez trop l'épaisseur. Trop la logistique. Vous êtes trop techniques. Alors vous faites des blocs. Des monolithes. De la morale. Mais laissez-nous vivre. On s'en fout des dépositions. On veut la vie. On veut respirer. Et si la littérature nous en empêche, on ira voir ailleurs. On veut inventer. On veut inquiéter. On veut foutre la zone. La vie nous appelle à la zone. Au naufrage de nous-mêmes. Nous sommes des êtres qui de toute part déconnons. Nous déconnons de toute part et ça ne fait que commencer. La déconnade est la seule contre mesure. La contre mesure face à ce qui nous est dit, dans la littérature et ailleurs. Votre pensée est la mesure qui convient trop à notre temps. Et il faut en découdre avec le temps. L'homme est un être qui déconne de toute part. C'est pour ça qu'il faut écrire des manifestes. Des manifestes pour qu'on nous foute la paix.

 

Stéphane Nowak Papantoniou - Bourle

 BOURLE

 

Et qu'est-ce que je fous ici dans la bourle à bourler parmi les bourleurs pleins sans savoir ce que je bourle c'est fou de rien savoir à ce point sur la densité la consistance de la bourle ce qu'il y a dans la bourle s'il y a des boîtes de conserve périmées des calendos frais ou du cobalt pur / je bourle tu bourles dans ces bourles immenses qui se forment en bandant des arcs de désir se développent croissent oblongues puis rondes puis s'allongent et s'effilochent parfois postillonnent du crachin mou et rêche / je mâche mon chewing-gum menthol haleine fraîche retour assuré tu déballes ta bourle hors de la mâchoire les incisives élimées et tu t'emballes ton cadeau à l 'intérieur avec le bonheur d'éclater un paquet gonflé d'air / dans la bouche tout d'un coup il devient petit et dur comme une toute minuscule fiente - y a que la bourle qui sait ce que je fous à ce moment ++ précis mais elle s'en fout entièrement la bourle devenant boule elle arrête pas de gonfler dans sa bande dessinée pour illettrés et son mirage de possessions lascives elle continue de grossir presqu'ovale une peau de pêche tendue une outre pleine jusqu'aux os à marée haute comme si enceinte gorgée elle enfle raide jusqu'à ce qu'

UNE FOIS ça pète ça sorte ça explose et fasse tomber les murailles d'un coup les forteresses d'une rafle de vent les murs d'une frappe d'une énorme boule d'acier / on attend tous que ça pète les mains croisées sur la poitrine ou parfois les poings sur les hanches pour changer elle a perdu les eaux c'est pour bientôt y a du sang sur les murs c'est le moment de se frotter les mains et de passer à la caisse cash-cash express disent les experts on attend / leur proverbe dit quand il y a du sang sur les murs il est temps d'acheter des actions, quand il y a accalmie c'est bon pour les obligations, agir ou s'obliger telle est la question la volute de fumée tout autour et le souvenir du champignon de poussière qui monte vertical après l'impact et les cendres en pluie sur nos cheveux laqués et nos loques chéries tout autour les autres bourlent et « oh la belle bourle » et « c'est quand le bouquet final ? » et « pas encore pas avant l'automne prochain » et « on peut pas savoir » faut attendre le chiffre d'affaires en Power Point -R et la météo en 3D, et la dérive de l'anticyclone et le bilan semestriel et le mouvement de l'anticyclone, le retour sur investissement et le coup de sang des Açores / c'est vrai qu'on l'attend vachement la langue pendue le camembert sur la diapo peau vert-point avec plein de couleurs et de tranches et la grosse part bleue des bénefs qui brille on coupera pas la pointe c'est mauvais pour la conservation ça perd du goût et « on s'en fout c'est toujours les mêmes qui s'en mettent plein les poches » ça c'est bon pour la conversation et « y a une poche d'air qui pourrait compliquer l'affaire et baisser les bénefs" ça c'est pour la consumation jusqu'ici tout va bien la bourle est belle et boule de plus en plus boule de plus en plus belle avec ses hanches arrondies bonnes pour la consommation elle donne envie de foncer bille en tête frapper fort en plein dans le mille avec plein de zéro bingo banco qui font "splasch" et "krach" voici le moment de planquer plein de zéros à la fois/ voici le temps idéal pour faire ses conserves pour l'hiver et acheter des chewing-gums pour l'été

 

 

UNE FOIS tu comprends pas ça pète la nuit / j'ai rien vu je dormais je rêvais d'échanger quatre billes de verre contre un paquet de chewing-gum fraise pamplemousse mais l'autre copain avait qu'un calot plus très rond un jour donc la bourle sort de la bande même plus dans la marge elle a foutu le camp dehors elle a pris le maquis la lande obscure sans trace sur les pistes les zéros sont partis en file indienne à la queue leu-leu chez les abonnés des bourles décidées à bulletin secret i reste plus que des épaves par terre les bandes ont tout pris les zéros par boulettes de douze i reste que des débris je vous dis

 

 

en me promenant derrière le camping j'ai trouvé un zéro sur la plage tout rouillé et tout fêlé un morceau de zéro avec des coquillages incrustés je l'ai mis dans ma poche puis j'ai fait quelques pas sur les galets je l'ai jeté tu t'en fous je préfère continuer à bourler jusqu'ici tout va bien on pense encore à la bourle sans penser qu'elle est bourrelée on réfléchit trop tard aux pansements quand les gaz ont fait déserter la rue et que tous ont foutu le camp c'est fou quand on y songe ce qu'on peut bourler sans s'en rendre compte.

bip (impro : ze tiocon's)

 - c'est comme des parasites !

 

- ouais ! On est des parasites et on fait bip dans le discours.

 

l'amitié... petite lettre écrite en lisant "autopsie du dehors", de jann-marc rouillan

       merci jann-marc rouillan, car sans toi je n'aurais pas penser à écrire un livre, je n'aurais pas eu l'idée d'un livre où j'apprends à dire lentement les choses, un livre où je vais parler des amitiés, des amis et des ennemis, grâce à ton livre "autopsie du dehors", j'ai pensé à l'amitié profonde. j'ai pensé à ces deux mots associés : "amitié", "profonde". et ça m'a fait cogiter. est-ce que j'ai eu de vraies et sincères amitiés? quelles sont mes amitiés profondes? n'est-ce pas dans l'amitié profonde que naît aussi la colère, la haine et puis l'amerdume. oui, on a été ami, on n'est plus ami, ou alors on n'est plus ami que d'une image, d'un passé. ami des ombres. merci rouillan car souvent tu parles des gens et tout de suite, en deux mots, ils sont magnifiés. mais lorsque j'ai pensé à l'amitié, j'y ai vu des livres. l'amitié pour des livres et pour la personne dedans qui les a écrits. parfois cette personne est donc prisonnière de ces livres-là. l'amitié est maintenant pour moi essentiellement dans le souvenir. est-ce que j'ai encore des amis ("potos", comme disent certains personnages de ton livre) ? je veux dire : est-ce que je suis encore capable d'être bouleversé par quelqu'un, quelqu'un qui changerait ma façon de penser, qui m'encoragerait (et dans "encourager" il y a rage) à revoir ma copie du vivant, à faire autre chose de moi, à partir à l'assaut sans savoir vraiment ce que je fais, à être brouillon à en piquer un fard, à pas savoir expliquer, à être nul sans en faire tout un programme artistique, sans posture puisque complètement dépossédé, essayant juste d'apprendre à écrire et à vivre, à nouveau. toi, c'est ce que tu fais. "autopsie du dehors" (al dante, les illustrations sont de mc cordat), c'est vraiment l'histoire de quelqu'un qui réapprend à vivre, c'est-à-dire à écrire, car c'est par ce biais-là que passe ton inquiétude : "l'agencement d'une phrase entre deux points est (aussi)  une prison", écris-tu page 66 de ton livre. merci donc, pour ce livre que j'aime lire et qui me donne des élans et un début de courage. car si j'ai du courage, j'écrirai sur l'amitié (j'aurais des amis).