Quand il le voulait il se mettait à écrire. Ce n’était même pas quand il le voulait. Il y avait une force qui voulait pour lui. La force venait et il écrivait. Il se lançait dedans. Il se mettait en plein dedans. Dans le milieu même de son geste. Il commençait toujours par le milieu. Il investissait le mitant de ses phrases et il faisait couler son geste dedans. C’était le geste qui lui venait. Non pas la pensée. La pensée venait de par le geste. Elle était produite par le geste même. Comme un raisin qui pousse sur la vigne. Son bras ligneux de vigne. Son bras et sa main. Sa main veinée de lignes et ses doigts qui guidaient. C’est comme ça que ça lui poussait. Il lui poussait un écrit sans qu’il sache où ça le mènerait. Comment il récolterait les fruits de son écrit. De sa pensée. Sa pensée poussait comme un fruit. Mais il ne savait vraiment comment. Tout ça se faisait si lentement. Si patiemment. Comme des lignes qui montent. Des lignes qui font monter la sève en dedans. Des creux qui demandent à remplir. C’est par les creux que venait se remplir l’écrit. L’écrit était creux par chez lui. Il fallait toujours qu’il vienne caresser sa feuille. Sa feuille de couperet de boucher. Ou sa feuille d’eau. Et de papier. C’est comme un animal sa feuille. Il lui fallait gratter. Comme s’il brossait un cheval. Il en tombait de l’écrit. Il voyait éveillé de l’écrit qui tombait de ses tranches de feuilles. Eveillé il rêvait de l’écrit. Des lettres qui tombent depuis tout ce qui existe. Il lui fallait ramasser ensuite. C’est comme ça qu’il faisait. Il ramassait tout le parler. Le parler venait. Personne n’en faisait jamais rien. Parfois même il fallait l’extraire. Personne jamais n’en extrayait rien. Le parler continuait sa vie. Sa vie de paroles en l’air. Et l’air jamais n’intéressait personne. Alors il prenait ce parler qui ne valait rien. Il en faisait des brocards. Il brocardait sa poésie même. Toute sa langue il l’a brocardait avec des mots de bric et de broc.