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LETTRE A J.S.

 Plogoff, le 12 janvier 2001

                      Cher Jacques,

Merci de ton appel. Il tombait à point nommé, comme on dit. Cela m’a fait sortir de la boule l’être qui ne demande qu’à respirer au dehors. J’ai pris mon bain et j’ai écouté l’émission où j’ai eu le plaisir d’entendre Christian. Christian qui expose certaines vérités. Je sais qu’il a raison et ma guérison serait de répondre, non pas forcément en établissant des liens généalogiques mais en parlant de la difficulté d’être, d’être soi et de parcourir la langue comme un perdu, un sans langue devant se déchiffrer, déchiffrer l’autre pour se voir renaître.

Je trouve que nous sommes trop techniciens, alors que notre problème est ailleurs, nous parlons de la langue sans faire le véritable parcours de l’homme muet qui veut naître. Nous ne parlons pas assez de la notion de spectacle. Que nos lectures ne soient pas liées au spectacle, même si nous cédons, une fois ou deux, ou plus, à la demande, même si nous cédons trop souvent à la doucereuse convivialité. Notre affaire est une affaire de crime, un véritable désastre pour soi, un véritable acte de pendaison. Nous devrions prendre tout acte de sortir dans la langue comme un acte suicidaire, comme si nous voulions prendre la voix comme une corde pour se pendre. Nos gentillesses, et c’est bien cela que Christian Prigent récuse, nous perdent. Il ne faut pas être gentil. La peur, seule, est la chose qui nous maintient en vie. La peur comme celle que l’on peut avoir d’être en pays ennemi, sans langue et sans ami pour partager quelque signe que ce soit. La peur d’être réellement offert et de montrer la mort de tout, c’est ça qui montre l’individu qui attend sa naissance dans sa propre maladie à être et à exister démocratiquement parlant.

L’être n’est pas démocratique, s’il veut exister il n’y a pas de société ni de monde qui ne tienne. C’est bien là le drame auquel nous sommes exposés nous qui écrivons. Je sais que tu es parfaitement au courant de ces choses. Nous le sommes tous. Je te dis cela parce que j’ai besoin de l’entendre dire, suite à tout ce qui s’est joint dans ma vie pour que je me taise définitivement. Nos pères, la patrie, Dieu ou la société actuelle veut qu’on se taise et qu’on remplisse le rôle qu’on nous assigne. J’ai vu à quel point j’ai failli sombrer dans l’autre, mais j’ai bien vu l’autre comme mangeur de ma propre force. La force d’être résolument, 1, vivant 1 seul temps, projeté chaque jour à faire table rase. C’est là ma fatigue et lorsque tu m’as appelé j’étais bien au chaud dans mes couvertures, comme livré à mes songes sans pouvoir me sortir vraiment de cet autre, comme envoûté ou possédé. La femme, l’enfant, tout ça c’est en nous, ça nous traverse, et Prigent a encore mille fois raison d’évoquer l’âme, comme les anciens, comme on évoque le réel. La difficulté est seulement à chaque fois d’assister à son propre dessaisissement de soi-même, à sa propre extinction et dépossession pour enfin se revoir, ne serait-ce que 5 minutes, s’atteindre enfin. Oui, c’est comme un crime total, le crime pur. Je ne sais pas encore quoi faire véritablement avec mes pensées qui me retournent, des paroles obsédantes, et qui m’inquiètent, comme si j’étais branché à quelqu’un d’autre, comme si j’attendais son aval pour exister, mais pour exister comme un bout d’organe, un tuyau, un simple outil qui ne sert à rien qu’à battre en l’autre.

Il me faut massacrer l’idée de l’amour. C’est très pernicieux l’amour. Sinon je cours à la catastrophe de moi-même, c’est bien ce qui a fini par arriver et c’est bien ce qu’appelait Rimbaud le grand « COUAC ». Oui, nous sommes bien dissipés et trop faibles, et oui « la vraie vie est absente » et nous ne sommes pas au monde. Quand on dit « le sommeil dans la richesse est impossible » c’est bien de spectacle qu’il s’agit, de joie partagée et d’amour. Et tous les chefs-d’œuvre pourraient nous aider à nous prélasser. Écouter la musique et boire à perdre ses sens, se laisser aller à dormir. Souvent, bien souvent, tout cela me dépasse, trop souvent, comme une nourriture qui gonfle la tête et nous empêche de penser, de se penser.

Nous ne pouvons pas nous contraindre malgré tout, nous sommes inconsolables même face à la pureté, celle-ci ne peut nous rendre éternellement heureux. Toute œuvre recèle son poison. L’enferme. Ce poison on le sent, on se sent empoisonné par la douceur d’être. Mais que puis-je affirmer de nouveau de tout ce qui a déjà été dit, alors que c’est même dans mes rares moments de lucidité que je développe ces malheureux concepts. Même un babouin pourrait dérouler ça dans son esprit d’une meilleure manière que je ne fais ! Que puis-je dire d’autre que ce que Nietzsche a déjà avancé sur la démocratie, sur la notion de but, chère aux humains et aux grands totalitarismes. La notion de guerre, la notion de mal, la notion de vide à être pour être, tout ce qui rend la complexité de notre rapport au monde. Je suis dans le désarroi de celui qui vit et que tout manque. Lui-même se manque, s’attend, s’inquiète. Je suis, comme toi, dans l’inquiétude.

Que puis-je avancer d’autre, que d’être dans de la peau inquiète, d’être et d’attendre quoi. Je peux juste affirmer que dans la société actuelle, comme dans les autres civilisations après tout, on nous interdit la démesure. Il y a tellement d’exemples de demi-mesure. Voilà ce qu’une femme me reproche, aujourd’hui même, et tout ça après s’être plainte de moi de la trop grande maîtrise de soi que lui impose le monde ! C’est du délire ! Je me suis écroulé devant tous et j’ai pleuré toutes les larmes du monde comme un enfant. Comme une petite bête à bon dieu que je suis. Cela reviendra, certes. « Le tour de bonté sera plus long à se reproduire qu’une étoile. » Pas de bonté dans nos écrits, que de la cruauté comme réclamait Artaud. On comprend rarement ce que cela veut dire. On comprend rarement le mot « vérité ». On a parfois des attitudes de journalistes face à cela. Mais est-ce qu’on nous laisse un temps de répit ? Pour ma part, je n’ai jamais eu de répit dans ma vie. Tout concordait pour que je n’embrasse pas la « carrière » des lettres. Comme si on avait placé en moi depuis la naissance un flic, comme s’il me fallait faire flic avec mon être intérieur.

Je m’excuse d’utiliser ces mots « être intérieur ». C’est peut-être débile et déplacé et je devrais être honteux d’avoir à utiliser ces termes. Je suis devant le dégoût de ma propre écriture, devant le dégoût d’avoir à me vendre, pour exister. Je suis marchandable, je ne suis pas disponible sur le marché et actuellement je suis prêt à dénoncer celui qui m’a fait écrire ce que j’ai écrit, et d’avoir cédé, malgré tout, oui, aux sirènes de la gloire imbécile. Je voudrais dénoncer ici la mondanité à laquelle on cède tous, forcément. On est dans les salons, les marchés, les lieux poétiquement corrects et chiants. On devient chiant, à force de se chier dessus. Il faudrait tous qu’on disparaisse un bon coup pour fomenter quelque chose de terrible. Ce ne sont pas des mitrailleuses qu’il nous faut, mais c’est faire front face à l’atonie, celle que nous provoquons aussi avec nos palabres et nos discours pompeux, on cire trop les godasses aux institutions. On est trop gavé, on pense être libre et en réseau alors qu’on est bourré d’aides, de vacances en résidences et nous ne pensons plus réellement, ça tourne rond. C’est bien de cela qu’il s’agit dans « les modernes ». Tous les mots de théorie vieille pourtant (l’écriture se doit d’être…) me désolent. C’est comme mendier en faisant croire qu’on se révolte. Mais il y a dans ces démarches comme une volonté d’enfoncer un couteau dans le ventre mou de notre époque, avec ses pensées mortifères de techniciens en mal de véritable outil pour attaquer. J’en ai soupé des technologues comme Roche Denis dénonçait les logiciens. On n’est plus rempli que de ça alors qu’il nous faudrait gueuler ou rendre le débile de l’existence dix fois plus débile.

Nous sommes des débiles et le formalisme et la technique et la technologie ne doivent pas complètement nous recouvrir de merde. Ça ne sert que les salons ou les bons mots et les rires friands circulent. On n’a toujours rien à voir avec cette poésie-là, tu le sais, on le sait tous, et aujourd’hui tout le monde pourrait rire de ce que je dis, que c’est désuet, etc. Je veux bien utiliser tout ce qui se présente, entendons-nous là-dessus. La télé m’intéresse au plus haut point, tu le sais, et je peux utiliser ces médiums bien sûr, mais pour montrer bien plus que mon petit trou du cul d’être dans sa vie de trou du cul verrouillée de l’intérieur. Nous avons maintenant à nous dépoussiérer encore et encore, à arrêter de dire le mot langue ou réel à tort et à travers. Moi je ne sais rien du réel et de la langue, je ne sais rien de moi, je ne sais rien des morts, je ne sais rien de tous ces mots qui nous pourrissent, comme des enfants gâtés d’avant-gardisme. On en crève des avant-gardes, Jacques. Ils nous ont fait crevé avant qu’on naisse, qu’on naisse avec sa propre naissance comme sa propre maladie. Oui, on a tous un goût amer dans la bouche et on préfère se taire. Il faut vraiment montrer notre bêtise. J’ai dit moi-même qu’on était entre copains et qu’on faisait des trucs, pour me débarrasser, pour faire le guignol. Et c’est ça que Christian Prigent a raison de dénoncer. De dénoncer nos petits trafics qui tournent en rond, en toute convivialité. Seulement j’ai failli avaler une grosse gorgée de bouillon, la grosse soupe que moi-même je m’étais préparée. J’ai faim. On a tous faim d’autre chose, on voudrait tous se casser la gueule, se défenestrer, se pendre vraiment mais on laisse faire, on cultive son petit jardin d’écriture bizarroïde, on se comprend plus du moins mutuellement, on se respecte parce que le monde est pareil pour nous tous.

Oui, c’est bien les anthologies, tout ça, mais je ne suis pas fondamentalement d’accord avec tout et il faudrait vraiment faire la guerre à cela et être contre la demi-mesure qui nous lie trop au monde dans lequel on est. Je sais que tu sais cela de long en large et que toi aussi ça te reste dans la gueule et que ça te provoque des insomnies terribles, je sais que comme moi ta gentillesse couve une inquiétude véritable. Pourquoi ne pas provoquer plus, alors, cet abrutissement qui nous fait résolument nous taire ?

Je suis fatigué, fatigué des lectures et du public et des applaudissements, fatigué des lieux sereins, comment veux-tu improviser en lieu serein et propre alors que c’est dans une boucherie que je suis provoqué, que c’est la vie sociale et ses petits tracas d’existence qui me révoltent et m’abattent plus souvent encore ? Si j’écris sur la télé, c’est à cause du silence de la télé, à cause des écrans que nous proposent la vie actuelle, nous sommes face à des écrans et nous causons, communiquons, sans réellement parler et sans réellement écouter et sans réellement se taire. Pourquoi on ne dit pas plus souvent que notre poésie est prolétaire et pauvre et que nous ne sommes que des chiens encravatés pour la circonstance mais que les lieux publics nous sont interdits, parce que nous ne sommes que des élémentaires, nous ne voyons que l’élémentaire et que tout le reste n’est qu’invention et confort. Rien n’est neuf, certes, là dedans mais il faut qu’on voit ça avec des yeux neufs, des yeux et une bouche pour maintenant.

Bien à toi cher Jacques.

 

Charles.

 

Les Petits mots, tous les matins je suis mort de rire et autres textes en chinois.
TRADUCTION /// Wan-Shuen TSAI   

【小詞語】

 

在找我的詞語,我的小詞語,來啊,來這裡小詞語們,來我這裡我的小詞語,它們應該還有些待在這,凹陷地,整個靠向我,請來依偎在我這,甚至進來我裡頭小詞 語們,好好躲著,待在裡頭小詞語們,別去外面,保持聯結,堆在我喉嚨深處並好好壓實,堆在我的最最底部,在我所有器官裡,一個發聲的器官,那小小嗓音堆擠 著,保持擁擠小詞語們,不要出去,不要給別人看到,待在爸爸身邊,這是小詞語們的爸爸在和你們說話噢,是你們的小爸爸你們這些小詞語,而他說了甚麼,他說 了甚麼呢小詞語的爸爸,他說待在這裡,乖乖地,安靜地,保持安靜屬於我的小詞語們,緊靠著,柔軟的,是的,像這樣是的,很好,慢慢地睡吧,靠著爸爸睡覺覺 小詞語們,爸爸要跟你們說一個故事, 爸爸會跟他的小詞語說話,爸爸有話跟它們說,爸爸會哄你們睡覺,睡吧小詞語們,來吧,從前從前...有一個很壞的大詞語,從前從前在城市裡有許多壞蛋大詞 語,裡頭有許多人,從前從前有些小詞語迷路了而那些壞人想對它們做壞事,但是因為小詞語們甚麼都不知道,小詞語們都很善良小詞語啊,因為最初全都是很善良 的小詞語們,在所有一切之初,而那些壞人們和他們的壞詞語看見了它們,壞人們想要把它們抓起來好對所有小詞語說壞話,好把一堆壞話填進它們裡面,好使它們 裡頭全竄動著壞東西,逼它們吞下以為自己得惡狠狠地跟其它所有小詞語說話,但是小詞語們抵抗著,這很難,要一個小詞語說出一堆壞話真的很難,它們是這麼地 善良,這麼地溫柔,這麼地可愛,抱抱小詞語們,抱抱睡覺覺,爸爸現在要到外面 去了,爸爸現在得去工作了,待在飽暖的家裡小詞語們,乖乖地,疊疊好,去睡睡小詞語們,在喉嚨裡睡睡,睡睡裡面爸爸。

(les petits mots)

 

【每天早上】

 (tous les matins)

 

每天早上

我起床

都笑到快死

每天早上

而且例如今天早上

我就在起床的時候笑到直不起腰

因為是這麼地好笑

而且每天早上都這樣

起來時就笑到要死

例如今早,我起來:啪

捧腹大笑

就是那麼趣味

超級好笑

而且每天早上都這樣:

是狂笑而且停不下來

有時我真的是不行了

因為甚麼都做不了只能咧嘴笑

很傷

每天早上這樣笑真的很傷

 

Ton oeil

 

Est-ce qu'on peut rencontrer tous les yeux dans un seul

tous les yeux qu'on cherche on les cherche ces yeux dans un seul

c'est un seul oeil fait de tous les yeux

c'est n'importe quels yeux

mais c'est pas n'importe quel oeil

c'est ton oeil

c'est toi dans ton oeil

c'est tout ton oeil et dedans je verrai tous les yeux

c'est ton oeil qui me fera voir comment

je peux regarder dans tous les yeux

 

 

【你的眼】(搭配圖作一張)

 

我們是否能在一隻眼裡遇見所有眼

所有我們尋找的眼我們總在同一隻眼裡找尋

是所有眼形成的一隻眼

是任何一雙眼

但卻不是任何一隻眼

是你的那隻眼

是你在你那隻眼裡

是你那隻眼的全部而在那當中我將看見所有眼

是你的眼向我展示了如何

我能夠在所有眼裡看見

 

Nous sommes pas pareils

 

Nous sommes pas pareils. Nous sommes avec nous. Et nous c’est pas pareil. pourquoi ? Pourquoi on peut pas être pareil ? On est pareil : on est dans le même trou. Et moi je voudrais parler dans ta bouche. Je voudrais penser rien qu'en parlant dans ta bouche. Je penserai à toi rien qu'en remuant la langue. Ma langue elle pense. On est tous les deux fort occupés à penser. Je remuerai en toi. Je te chercherai. Je chercherai ta bouche. Ma langue pense. On mélange nos voix comme deux petits êtres dans un organe. Le corps est qu'un tube d'où qu'on glisse. La voix nous mélange. Elle mêle notre pensée à tout notre corps. On s'emmêle en pensant. S'aimer c'est glisser dans nos langues. On se pense = on s'aime. On n'est plus qu'un organe. S'aimer c'est se sortir de l'organe par la pensée des langues qui se mêlent.

 

 

 

【我們並不相同】

 

們並不相同。我們和我們一起。但我們可不同。為甚麼呢?為何我們不能相同?人都一樣:人都在同一個洞裡。而我想在你嘴裡說話。我只想在你的嘴裡說話。我只 消轉動我的舌頭就會想起你。我的舌頭它會思想。我和舌頭都忙著思想。我在你之中攪動。我將尋找你。我將尋找你的嘴。我的舌它思想。將我們的嗓音混合就像一 個器官裡的兩個小小生命。身體僅是條管子從那裡我們滑落。嗓音混合我們。它將我們的思想纏混到全身。我們邊纏混邊思想。相愛就是滑落在我們舌中。我們相 ()()=我們相愛。我們成為唯一一個器官。相愛就是透過纏亂的舌的思想用以自器官中脫身。

 

Entretien avec A.M.

Entretien avec A.M. étudiante en licence 3 lettres modernes

Questions à Charles Pennequin

1 . Les termes de « performance poétique » posent problème à certaines figures dudit mouvement car il enfermerait avec lui des notions théâtrales et l’idée de spectacle principalement.

Rejetez-vous en totalité ou en partie cette expression qui qualifie votre activité ? La trouvez-vous réductrice ?

Je ne rejette pas le mot performance poétique, puisqu’il désigne un peu mieux que le terme seul de performance ce que je peux faire devant un public. Je lui préfère cependant le terme de poésie-action ou celui plus personnel encore de « gesticulation ». Il y a beaucoup à faire cependant aujourd’hui pour mener une critique de ce qui se fait au nom de la « erf ». Tout est perf aujourd’hui, même si des interprètes ou des chorégraphes peaufinent et répètent un spectacle qui sera je pense éloigné de ce que pouvait définir le mot performance. Une performance, pour moi, n’a déjà pas besoin de public, elle est faite pour soi-même, comme écrire un texte chez soi. Je fais souvent ainsi des choses dans la ville, les transports en commun, dans ma voiture, les lieux publics, des choses en me filmant ou en m’enregistrant. Je vais lire le long des quatre voies d’un rocade par exemple, et le public c’est la voiture ou le camion a qui je lis des pages de Comprendre la vie. Une performance, si elle se déroule avec un public, elle se fait avec l’espace et les gens, c’est pour cela que le terme poésie-action est intéressant, car il concerne l’action qui se fait dans un lieu avec les autres, l’aide des autres. Celui qui mène l’action n’est pas le seul à faire vivre ce moment. De plus ça ne se répète pas, ni avant, ni après. Je connais maintenant un certain nombre de performers étrangers qui sont dans l’art-action et ils peuvent faire des performances dans toute sorte d’endroit et pour eux il s’agit d’un acte artistique qui est éphémère (et souvent à une certaine force politique). En France, la performance, de l’aveu même des spécialistes, c’est du passé, relié à soixante-dix, aux mouvements sociaux et politiques, ça prouve qu’ici il n’y a guère de renouveau dans ce domaine ! ce qui n’est pas forcément le cas ailleurs.

2. L’appel à la sonorité incluant bruits, onomatopées, mots criés et répétés, sémantiquement bousculés, mêlée à une gestuelle cérémoniale ou agitée, à une présence corporelle omniprésente met le spectateur devant le spectacle d’une sorte de folie absurde qui laisse perplexe ou prête à rire.

Sachant que souvent les mouvements contestataires d’une littérature traditionnelle se sont développés sur l’enthousiasme et le rire par le non-sens ou le grossier (comme le burlesque par exemple), rire de la performance poétique est-il un effet recherché ou le résultat d’une incompréhension ou d’une gêne du public quant aux véritables enjeux ?

Parfois je pense que le rire est peut-être une manière de se protéger, car ce que ça dit au fond n’est pas toujours drôle, car un peu abrupte et disant des choses que beaucoup peuvent ressentir, sans forcément le dire. L’écriture c’est un moment qui fait jaillir des choses de soi-même, parfois même il m’arrive d’oublier d’avoir écrit tel ou tel texte et de le retrouver ensuite, il y a même parfois un petite honte qui accompagne ça, ce n’est pas une recherche et je ne me fixe aucun enjeux, la lecture public existe car elle permet une autre écriture, spatiale cette fois, de ce qui est écrit et même souvent il s’agit d’improvisations faites au dictaphone ou des videos de moments improvisés que je passe, car il y a une justesse dans ce qui est dit, dans le rythme, qui ne peut être reproduite. Je ne cherche pas à choquer, je suis seulement dans la difficulté à trouver le bon cadre, le bon cheminement entre les textes et les déplacements, à montrer des variations dans la voix, comme des moments musicaux mais qui n’ont que les mots et le sens qui forcément va avec, pour illustrer cette recherche.

3. Comment expliquez-vous qu’une partie du public, que ce soit une certaine élite littéraire ou un public populaire et moins averti, soit hermétique à cette forme d’expression, rejetant parfois même le terme de « poésie » pour la qualifier ?

J’ai rarement rencontré des gens hermétiques aux lectures, peut-être aux livres, en tout cas ceux qui sont dans le rayon poésie bizarre, mais sinon j’ai fait des lectures avec des amis dans les bars, en débarquant à l’improviste (avec l’armée noire par exemple), on présentait nos affiches, nos textes, et beaucoup de gens lisaient et étaient étonnés, cependant si on a pu faire ça avec l’armée noire à un moment donné, c’est qu’on en avait marre de lire devant un public de gens concernés qui ne nous écoutait pas ou à peine et surtout ne nous lisait pas. Le monde de l’art, de la littérature et tous les cercles prétendument savants sur ces questions, sont dans l’ensemble finalement des mondes totalement hermétiques à l’art, contre l’art même. C’est plus des luttes de pouvoir qui les animent ou des besoins sociaux, pratiques (trouver un atelier par exemple) que remuer les questions fondamentales non de l’art, mais de la vie tout court. Ce qui est dommage, c’est que dans les mouvements dits alternatifs, c’est toujours la marge qui intéresse, ou plutôt les lieux déclassés (qui se trouvent dans des quartiers pauvres). Les lieux de création qui sont dans ces endroits dits populaires, se foutent pas mal des gens qui les entourent. Ils ferment à double tour et ont peur que des arabes viennent leur voler le matériel Et je ne dis pas qu’il ne faut intéresser que des chômeurs et des analphabètes, des cadres aussi, toute sorte de gens, ceux qui regardent la télé, qui font des jeux dans les PMU, etc. je sais que la poésie que je fais peut intéresser beaucoup de monde. Je crois même qu’il faut réintroduire la poésie dans notre civilisation, mais en dehors des festivals, des printemps des poètes, des biennales faites par les communistes et qui ne se sont jamais adressées à un seul prolétaire, mais ont été uniquement créée pour publier des livres et recevoir des subventions. Il faut tout de même y croire un peu, c’est pour ça que l’association avec les autres arts, s’ils sont assez percutants, dérangeants c’est primordial. Il faut recréer aussi des forces collectives, l’idée d’une poussée combattante et vive d’une sorte de communauté, l’idée d’un collectif, même si je n’aime pas ce mot, est une idée morte en France ou dans la plupart des pays d’Europe. Les artistes tournent, ne se posent plus de question, ils font carrière. Il y a bien un endroit où ça va finir par craquer ? même si j’espère on ne retournera pas à l’esprit d’avant-garde. avant-garde = chasse gardée, groupe exclusif et excluant. La poésie est plutôt à faire par tous comme le voulait Lautréamont.

4. Pourquoi y a-t-il un tel retour à la tradition orale dans vos travaux ?

Engendre t-elle selon vous la réduction du rôle du livre ?

Pour moi le livre est central. c’est le point d’arrivée de quelque chose. Mais après je trouve qu’on en fait quelque chose de vraiment trop sacré. Le livre-perf ça existe très peu dans l’idée des gens, un livre c’est un passage, un moment d’arrêt, une photographie de ce qui s’est tramé durant un ou deux ans, mais ça n’est pas un objet pour l’éternité, ou alors il s’agit de moments d’éternité peut-être, mais que fixe le livre comme la lecture aussi ou l’intervention poétique peut fixer elle aussi. J’ai toujours été attiré par cette chose définie par Christian Prigent, comme étant « la voix de l’écrit ». Cependant ce n’est pas uniquement la voix de l’écrit (parfois ça l’est, quand je reprends certains textes au départ destinés au livre), c’est la voix dans bouche, le poème en bouche plutôt que dans la tête, c’est ce qui sort et qui trouve son rythme dans l’air. c’est l’obsession de cette sortie du physique, la respiration que ça donne dans tout le corps et dans la pensée, car ça aère, ça fais vivre, vivre c’est-à-dire être en pleine possession de quelque chose qui pousse à l’intérieur et c’est rare. C’est des moments particuliers où tout se rassemble pour dire quelque chose de plus vrai et qui pousse autant dans la voix du dictaphone que dans un texte écrit à toute blinde dans word.

5. J’ignore si vous avez vu le film Les Idiots de Lars Von Trier, en résumé il s’agit de personnages qui cherchent dans la régression de leur idiot enfoui en eux une façon d’être au monde plus véritable. Personnellement il m’est arrivé de penser à la philosophie de ce film en regardant vos performances. Dans votre façon de vous exprimer il y a , semble-t-il, une régression vers un langage enfantin, plus instinctif, mais qui comporterait néanmoins les problématiques existentielles d’un adulte.

Quels enjeux cette expression si éloignée de notre langage habituel doit-elle révéler ?

Oui les idiots, et aussi Festen, car dans Festen, il est dit un truc énorme devant la famille. ça c’est pour la poésie qui dit des choses qu’il ne faut jamais dire à sa famille, à ses proches. Mais l’idiotie, le poème neuneu, la poésie au ras des paquerettes, se mettre plus bas que terre, se mettre honteux, ça c’est quelque chose qui m’a toujours travaillé. Ce n’est pas une régression, c’est dire qu’il y a des désirs cachés qui passent dans les mots, que chacun a sa manière bien a lui de remuer les choses dedans sa bouche, que chaque parole a un secret dedans et que ce ne sont pas que les médias qui savent tout de la parole, de la science à parler, pour moi l’armée noire c’est avant tout une invasion de parole, un grouillement des mots dont on ne veut pas entendre parler, on ne veut pas entendre parler l’enfant en soi, la femme en soi, le faible en soi, le philosophe en soi, tous les en-soi mêlés et qui veulent prendre la parole, toute les bagarres positives avec l’être et le dehors. ça mène à la joie tout ça, la jouissance arrive du fait qu’on fait exploser ce qu’on pense dans des poèmes. l’écrit c’est comme un coup de sang, de la rage en paquet. ça dit des choses et ça déborde et ça rit de l’avoir dit, car ça joue forcément avec les mots, ça joue avec les phrases, c’est tout de suite comme un instrument avec lequel on joue. L’autre fois je me suis promené dans la rue en disant Je jouis, Oui ! Oui, je jouis ! je faisait des gros ronds avec la bouche pour montrer que la bouche disait le Oui du jouit. Effectivement nous jouissons de penser, d’être dans les problèmes, de parler des problèmes, d’être tout le temps travaillé, secoués, perturbés, nous jouissons d’être emmerdés la vie durant, sinon ceux qui ne jouissent plus se suicident, ils n’en peuvent plus de jouir ainsi, en tout cas il faudrait être un tout petit peu en décalage du jouisseur que l’on est pour se rendre compte que finalement ça jouit tout de même beaucoup plus qu’on ne croit malgré le réel. La poésie dit ça, elle dit le moment où ça peut partir en vrille dans le vivant, seulement le vivant n’y croit pas, il préfère les discours des chefs, des autorités, de l’église, du patronat, il préfère en chier de la publicité et de la morale que de voir qu’il chante à tue-tête dans sa tête à longueur d’année. On ne veut pas croire au fait qu’on est des bêtes à parler et à tournoyer dans la caverne avec des torches allumées dans le noir et qu’on voit rien et qu’on danse, on ne veut rien voir de tout ça bien souvent. Sauf par moment où ça rit de bon cœur avec la pensée qui sort dans la bouche et que la bouche se mette à penser le chant et à livrer ça à l’air libre. Personne ne croit en la poésie, même moi à 95 % de mon temps je n’y crois pas, je suis éteint comme un téléviseur.

6. Alors que la poésie subit le désintérêt de la majorité face au roman commercial, vos performances manifestent le besoin de crier, de tordre les mots, de les répéter obsessionnellement, de les perdre dans le bruit, les cris du poètes manifestent-ils la lutte, la peur du poète qui se sait condamné ?

Oui et pourtant tout le monde me dit : tu devrais faire du théâtre, tu devrais écrire du roman, pourquoi tu fais pas du slam ? tu devrais rentrer dans les cases ! tu devrais te taire et mourir au final, on me dit. C’est ce que font les artistes en général, ils meurent. Après avoir lutter ils laissent tomber, la vie leur tombe des bras car tout est fait pour qu’on arrête. Les œuvres ne sont que des traces de luttes. A mon avis, et c’est pour ça que j’ai écrit Pamphlet contre la mort, les artistes sont des gens qui ont manqué de bras face à l’existence.

7. La poésie est-elle selon vous compatible avec la société d’aujourd’hui ? Est-elle obligée de vivre en marge de celle-ci pour toujours être de la poésie ?

La société d’hier ou d’aujourd’hui,… cependant aujourd’hui c’est le lieu précaire où je vis alors je dirai que c’est dur pour moi tout simplement et donc pour ce que je veux faire passer dans la société. La poésie est incompatible avec les petites peurs et les petits sentiments d’aujourd’hui, elle ne rentre pas dans les boîtes culturelles, dans les cercueil de la morale du jour, sinon elle devient obéissante et flatteuse. Il y n’y a pas à vivre à la marge, je ne me sens pas à la marge, je fais ce que je veux et je tiens toujours à affirmer que l’écriture c’est ma seule liberté. Si on me fait une commande qui ne me plait pas, parce qu’elle entrave ma liberté, je ne le fais pas, aujourd’hui beaucoup de monde dans l’édition souffre d’avoir à faire des choses qui ne leur plaise pas totalement. Pourquoi le font-ils ? Pourquoi taisent-ils certaines choses ? Il n’y a pas de carrière à mener dans l’art, mais on dirait que c’est ça qui mène le monde aujourd’hui. Pour ma part, je trouve que j’ai plutôt de la chance, je ne suis pas brimé, ma poésie peut tout de même être entendue, à la radio, sur des sites, même à la télé elle est passée ! j’ai déjà fait des performances poétiques ou des lectures pour Canal +, Arte, c’est pour dire ! Et je n’ai rien contre le fait d’aller dans toute sorte d’endroit, au contraire ! j’y vais, ça peut être un invitation pour un festival, une lecture dans un lieu prestigieux ou non, une intervention dans un endroit communautaire ou autre, l’important c’est que peut-être, dans cet endroit, il y a peut-être une personne qui entendra pour la première fois mes textes et ça changera peut-être quelque chose pour lui. Tout comme faire des livres, je connais des lecteurs pour qui ça a compté. On n’est pas encore interdits ou annulés par la force consumériste de la culture de masse. Mais la poésie que je pratique est forcément en marge car c’est déjà tout le système éducatif, tout la socle sociétal qui faudrait faire sauter pour que chacun est la possibilité et la capacité surtout de lire un livre sans trouver que c’est dur, que c’est illisible tout simplement parce qu’il n’y a pas d’alinéa, parce qu’il n’y a que des points ou pas de points, ou parce que c’est bizarre. Faire comprendre qu’ouvrir un bouquin c’est déjà vouloir tenter une expérience et non pas se vider la tête, se délasser comme devant un bon feuilleton. Moi j’aime bien les feuilletons, j’aime bien me décerveller, mais là il s’agit d’une expérience, c’est sur le qui-vive, d’être le cul entre deux chaises avec sa vie, son être, se dire je fait un parcours dans un chemin que je connais pas, une ville même, dont j’ignore le plan. C’est surtout pour ça que ce n’est pas facile. Et puis après les codes de lecture, les façons de lire. Dans le slam ils reproduisent beaucoup des tics du pire théâtre, de la pire littérature. Tout de suite, ce qui rentre dans la tête à tout le monde, c’est le pire, c’est pas le singulier, la monstruosité du soi avec sa voix, ses voix, ses façons obsessionnelles de dire. C’est plutôt la convention qui marche, l’aplanissement, l’uniformisation des façons de dire et de penser, de vivre, c’est ça qui marche à fond chez nous ! Donc tout ce qui se dira se dira de travers, de biais, à moins qu’un jour on pense renverser le système et alors on aura sans doute à faire à un dictateur, ce qui ne sera pas mieux. Car on n’est pas dans le pire des mondes, on est dans un pire encore acceptable, un pire avec des possibilités de trafiquer, bouiner, bidouiller son existence sur le côté du grand mensonge permanent.

8. La poésie s’adresse à tous, mais qui l’entend véritablement ?

Comme je l’ai dit, j’ai fait des choses dans des endroits et quand je revenais plusieurs mois après c’était le technicien de l’endroit qui m’en parlait encore, tellement ça l’avait marqué (il ne lit peut-être jamais de poésie). Ou alors, une fois je suis intervenu dans une école et les élèves avaient mis comme annonce du répondeur, sur leur portable, le texte sonore J’te ramène. Je ne peux pas vraiment répondre à cette question car parfois quelqu’un me parle d’un de mes livres et je suis toujours surpris, car je n’ai pas vécu ce moment avec lui, je ne sais rien de ce que le lecteur a vraiment ressenti à ce moment-là, je me demande même s’il ne se trompe pas de personne, en fait il devrait en parler au livre, ou alors à cet auteur que je ne suis pas toujours, je ne suis pas toujours l’auteur de mes livres, je veux dire par là que je les oublie aussi, j’en redécouvre d’autres, d’autres écrits, qui peut alors prétendre entendre de la poésie du coup ? Qu’on l’entende ou pas, bien souvent mon tracas c’est qu’on n’y croit pas, on ne croit pas en cette manière en tout cas de tordre le langage et de lui faire dire ce qu’il est réellement, une manière de sonner dans le sens, une façon de plier la bouche pour faire siffler plus justement ce qui est dit. Car c’est du dire, c’est du vrai dire, ça dit vraiment en dehors des clous du discours. Le discours est pour moi parfois impossible, c’est pour cela je crois que je me méfie des gens qui théorisent, qui font un arrêt dans la poésie pour poser une réflexion, la réflexion est mêlée au chant, la réflexion c’est du chant et de la pensée mêlée, vive les philosophes qui écrivent des concepts qui ne servent à rien ! C’est ça qu’on devrait entendre pour éviter encore une fois de revivre les 20 siècles qui viennent de passer, grâce à l’église, au pouvoir politique et aussi à une certaine philosophie. Il faut lire ce que dit Louis Ucciani à sujet, quand il parle de Fourier, il en parle très bien de ce philosophe inutilisable. La poésie est inutilisable aussi, ou alors utile pour démonter avec les autres arts et la pensée, les outils de la communication, de la morale, du soi disant bien être, de tous les codes de la société qui nous font vivre dans le mensonge. La poésie pour qui l’entend, ça peut être une joie, une façon de vivre, une manière de revoir sa vie, du coup celui qui l’entend vraiment ça peut faire une faille dans sa vie, à un moment donné il va falloir choisir. C’est comme subir un an de psychanalyse peut-être. Quand j’ai décidé de faire la saut dans la poésie, c’est-à-dire de ne plus la vivre de manière cachée, honteuse, j’étais au départ mal dans ma peau toute la journée, je sentais ce trou là qui allait se creuser entre moi et ma vie d’alors.

9. Pour finir, quels sont les poètes traditionnels, j’entends par là plus « classiques » dans la façon de dire, vous ont marqués ?

Les poètes plus classiques sont Rimbaud, Lautréamont, Verlaine, Artaud, Appolinaire, Péguy, Michaux. Après j’ai été marqué aussi par les prosateurs, qui pour moi font tout autant de la poésie, comme Céline ou Beckett, Thomas Bernhard aussi, très important !

J’en oublie sans doute. Après j’ai été marqué par des poètes tels que Gil Wolman, car c’est un poète pour moi très important, ou par Nijinski, Pierre Albert-Birot, puis Heidsieck, Prigent. Après j’ai été marqué par ma génération, en premiers de laquelle je mettrai Christophe Tarkos, Nathalie Quintane, Stéphane Bérard, Katalin Molnar, Vincent Tholomé. Puis les autres générations après aussi. Edith Azam, Jérôme Bertin, Antoine Boute, etc.

10 . Il est certain que je suis passée à côté de questions essentielles, peut-être voulez-vous ajouter quelque chose d’important sur le sujet que j’aurais omis de demander ?

l’armée noire. j’en ai parlé, un peu. C’est une idée avec des amis. ça vient de ce que me disait ma mère et qui se disait dans le nord, dans le cambrésis en tout cas.

Elle me disait : fréquente pas ces gens-là, c’est d’l’armée noire.

C’est-à-dire des gens qui se lavent pas, ils sont noirs de sale, ils sont nombreux, ils grouillent comme une armée. Voilà, l’idée qu’en fait l’art peut être vécu par ce qui le font mais pas seulement, tout le monde fait de l’art, tout le monde durant une soirée fera de la sérigraphie, dira des choses, chantera, écrira sur les murs, sur les feuilles, etc. c’est finalement pas très courant ce que propose l’armée noire, pas très courant dans les modes de transmission de l’art, la poésie, qui se fait bien souvent de manière très classique.

dans la série "on aura tout vu" (et surtout entendu...)

 Pamphlet contre la mort aux Grosses Têtes, de RTL

 

putain de lecteur

je suis un dégénéré

de la poésie

la poésie est un sac

à tract

un nœud de colère

l’ignoble moi

doit en prendre

pour son grade

et l’autre

avec

la sale race

de cet humain

blanc,

que des vagues

de boue

l’envahissent,

que sa gueule

se remplisse

de merde

qu’il soit enfin

le sac à merde

que je suis dans

mes poèmes

je vide mon sac

sur vous les

porcs qui lisent

car vous êtes

des porcs

à me lire

vous voulez vous

y retrouver alors

vous lisez la

succession de

grossierté

mes poèmes

ont toujours

été grossiers,

à gros traits,

pas finauds,

rentre-dedans

comme un

coup de boule

mes poèmes

c’est du coup

de genou dans

tes couilles,

lecteur

tes couilles de gentil

aryen qui

n’a rien demandé

à personne

et qui défend sa

monnaie

et sa petite

europe de

merde et

son petit

pays qui

pue la

tradition

et l’enfermement

dans la

haine. va

bouffer tes

fromages et

cuver ton

vin lecteur

et ne reviens

pas, même

mort tu ne

seras jamais

un bon lecteur

va cultiver tes

plantes bios

bourgeois

européen

va crever

sale végétarien

féministe et

moraliste,

ici ça

sent la

prostitution,

la sueur

des putes

ici l’écrit pute

ce n’est pas

pour toi car

toi tu vas

penser qu’on

t’a encore

enflé sur la

marchandise

ici je montre

mon cul et

mes fécalums

à ta pensée.

(tu penses à quoi, là,

tout de suite, lecteur ?)